A l’occasion de la sortie de son livre « Carrefour, la grande arnaque », Jérôme Coulombel a été interviewé par Émilie Tran Nguyen sur France Info. Dans le cadre de cette interview, il revient sur les difficultés des franchisés Carrefour à rentabiliser leurs investissements et sur l’omerta qui règne notamment sur ce problème de rentabilité et qui ne se limite pas à Carrefour. Extrait.
Jérôme Coulombel : (7’24’’) Je rappelle que Carrefour, aujourd’hui en France, c’est 5900 magasins dont 5000 franchisés. Carrefour vend à ses franchisés 20% plus cher ses marchandises que n’importe quel autre distributeur ou grossiste. Si Carrefour vendait moins cher ses marchandises à ses franchisés, le consommateur payerait moins cher.
Émilie Tran Nguyen : On va venir effectivement à ça. Il y a les méthodes avec les fournisseurs et avec les franchisés. La franchise est au cœur du modèle de l’enseigne Carrefour. Les ¾ des magasins Carrefour sont des franchisés. Donc ce sont des gérants qui achètent et revendent les produits Carrefour. L’avantage c’est qu’on est un peu chef de sa propre entreprise. On bénéficie de la marque, du savoir-faire et de produits qui leur sont vendus aux meilleurs prix. C’est l’engagement normalement que Carrefour doit prendre avec ses franchisés. Mais vous, ce que vous dîtes, c’est que ça n’est pas le cas. Vous dites qu’Alexandre Bompard est le roi de l’enfumage, ce sont des mots forts, et vous dites aussi que les franchisés sont des « vaches à lait ». Vous parlez même d’une génération d’esclaves. Vous n’allez pas trop loin avec les mots ?
JC : Non ! Non, non, je ne vais pas trop loin. Quand je reçois des mails, des coups de fils de franchisés qui vont se tuer, qui vont se suicider, non, je ne vais pas trop loin. C’est le résultat de la politique de monsieur Bompard. Et là, … je vais parler avec mes tripes parce que c’est un sujet qui est dramatique ! On parle de chefs d’entreprise qui sont des esclaves, je maintiens le terme. Les pratiques du Groupe Carrefour aujourd’hui sont des pratiques mafieuses. Elles tendent à étrangler ses franchisés. Elles les broient ! Elles les privent de toute liberté ! Et en plus, cerise sur le gâteau, elle leur vend les marchandises très chères. Et aujourd’hui, Carrefour se présente comme le chantre de la lutte anti-inflation. C’est juste faux ! C’est totalement faux ! Et pour moi, l’état a un rôle à jouer !
ET : Ce que vous dites, c’est que Carrefour arnaque, piège ses propres franchisés ?
JC : Tout à fait ! Carrefour arnaque les fournisseurs. Carrefour arnaque ses franchisés. Carrefour arnaque ses salariés.
ET : Vous avez un exemple concret pour nous expliquer ? Je vous entendais parler du chou-fleur par exemple … Vous pouvez nous expliquer ?
JC : Oui, tout à fait ! Le chou-fleur, des franchisés l’achètent assez régulièrement à des producteurs locaux. C’est le producteur qui va fixer son prix au franchisé. Il a la liberté totale. Il fixe son prix, c’est 30 à 40 centimes le chou-fleur. Le franchisé va le revendre au consommateur 99 centimes ou 1 euro. Si le franchisé l’achète sur la centrale d’achat de Carrefour, il l’achète en moyenne 2 euros et il va le revendre au consommateur avec des prix imposés 3 euros. Cherchez l’erreur !
ET : Pas moins de 250 nouveaux partenaires qui rejoignent chaque année le Groupe pour reprendre ou créer un magasin en franchise. Si ça allait si mal, pourquoi est-ce que les franchisés augmentent de plus en plus dans le modèle Carrefour ?
JC : Je vais vous répondre. Jusqu’à ce livre, personne n’a parlé des franchisés. Personne n’a parlé des franchisés. Carrefour est une société cotée au CAC 40, hyperpuissante, avec une communication comme peu d’entreprises en ont.
ET : C’est un monde où l’on ne parle pas ?
JC : Non, c’est l’omerta ! C’est la mafia ! Je pèse mes mots, c’est l’omerta, c’est la mafia ! Moi aujourd’hui ce qui me fait bouger, c’est la détresse de ses franchisés. Tant que ce Groupe ne comprendra pas qu’il est en train de mettre à mort des gens, je serai là, je vais bouger.
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