Dans cette troisième partie, je vous propose de découvrir la dernière version de la partie du reportage « Derrière le comptoir : l’histoire secrète de la franchise » consacrée au réseau Cold Stone. Ci-dessous, vous trouverez une traduction française du texte de la vidéo.
Les intervenants prenant la parole dans le reportage :
Darren Rovell : jounaliste de CNBC
Sean Marks, Nicole Eklund, Stephanie Lucarelli, Cecil Rolle et Ed Ramsey : 5 anciens franchisés Cold Stone déçus par leur expérience
Dan Beem : président de Cold Stone
Eric Corp : avocat spécialisé dans la défense des franchisés
Robert Zarco : avocat, payé par Cold Stone, pour représenter l’association des franchisés Cold Stone
Rudy Puig : franchisé Cold Stone autorisé par le franchiseur à parler à CNBC
(0:00) Voix off : Cold Stone compte des millions de fans à travers le monde qui apprécient de déguster des glaces à la forme personnalisée. Le spectacle de la confection de ces glaces et la frénésie qui entourent ce spectacle séduisent régulièrement des adeptes de l’enseigne qui décident d’en devenir franchisé.
(0:10) Sean Marks : Il est à peine croyable que des gens au Michigan soient prêts à patienter dans le froid pour acheter une glace à un prix aussi prohibitif. Et pourtant !!!
(0:17) Nicole Eklund : L’atmosphère y est joyeuse, les enfants chantent. D’un autre côté, mon mari a toujours voulu créer son entreprise. Nous avons vu Cold Stone comme une opportunité et nous nous sommes lancés pensant que nous pourrions y arriver.
(0 :25) Stephanie Lucarelli : Avant de devenir franchisée, j’avais mon propre magasin de glaces. J’ai apprécié cette expérience et j’ai bien gagné ma vie. Puis s’est présentée la perspective de rejoindre un réseau de franchise, une enseigne nationale. J’étais certaine que ça ne pouvait être que mieux.
(0 :37) Voix off : Le franchiseur encourage la confiance des futurs franchisés dans l’enseigne en publiant sur sur son site des arguments tels que celui-ci : « Devenir franchisé Cold Stone représente une opportunité comme on en fait plus ! »
(0 :46) Voix off : Dan Beem, président de la société.
(0 :48) Dan Beem : Cold Stone Creamery représente une véritable opportunité pour les franchisés parce qu’en rejoignant notre réseau, ils vont pouvoir faire ce qui les passionne, gagner en qualité de vie, profiter de leurs enfants et avoir une vie formidable.
(0 :57) Voix off : Mais ce que Sean marks, Nicole Eklund, Stephanie Lucarelli, et d’autres franchisés avec qui nous avons échangé, percevaient comme une opportunité lorsqu’ils étaient devant le comptoir allait se révéler très différent une fois passés derrière le comptoir.
(1 :08) Sean Marks : Ma femme et moi étions très respectueux des valeurs de l’enseigne. Nous avons opéré en respectant ces valeurs. Nous avons fait ce que Cold Stone nous demandait comme il le demandait et nous avons bien gagné notre vie.
(1 :19) Stephanie Lucarelli : J’avais l’impression d’être un cheval de course qui prend le départ avec deux jambes cassées. Je n’avais aucune chance. Les conditions nous étaient tellement défavorables. Les coûts n’avaient rien à voir avec ceux qui nous avaient été annoncés. En fait, nous n’avions aucun moyen de devenir rentables.
(1 :32) Darren Rovell : A propos du document d’information pré-contractuelle … L’avez-vous lu dans son intégralité ?
(1 :37) Stephanie Lucarelli : Non, je l’ai survolé et j’ai fait appel à un avocat pour qu’il me dise ce qu’il en pensait.
(1 :41) Darren Rovell : Et que vous a dit l’avocat ?
(1 :42) Stephanie Lucarelli : Il a attiré notre attention sur deux ou trois points qui étaient selon lui préoccupants, mais finalement, on a décidé de se lancer.
(1 :54) Voix off : Tous sont aujourd’hui sortis du réseau. Cold Stone et la maison mère, Kahala, ont déclaré que tout avait été fait pour les aider à réussir, mais en vain.
(2 :04) Stephanie Lucarelli : Mon franchiseur ne m’a jamais aidé à résoudre mon problème. Il s’est contenté de dire que j’étais responsable de ma situation.
(2 :11) Darren Rovell : Que savez-vous au juste de la situation financière de vos franchisés ?
(2 :15) Dan Beem : Pendant un moment, nous avons tenté de récupérer les comptes de résultat de nos franchisés. Une des situations les plus frustrantes de ma carrière professionnelle a été de constater la réticence des franchisés à nous les envoyer. Et quand ils le faisaient, ils étaient incohérents. De fait, nous en avons récupéré quelques-uns qui étaient totalement inexploitables. C’est la raison pour laquelle nous avons pris la décision de ne pas suivre la rentabilité de nos franchisés.
(2 :35) Darren Rovell : En fait, vous ne savez pas comment se portent vos franchisés ? Vous ignorez combien ils gagnent ?
(2 :42) Dan Beem : Effectivement, ce sont des entrepreneurs indépendants.
(2 :44) Voix off : Eric Corp est un avocat spécialisé dans la défense des franchisés depuis plus de 30 ans.
(2 :50) Darren Rovell : Les franchisés sont-ils des entrepreneurs indépendants ?
(2 :54) Eric Corp : Les franchiseurs vendent le fait qu’en devenant franchisé, on devient son propre patron, que l’on peut s’enrichir. Mais la réalité, c’est que les franchisés travaillent sous le contrôle de leur franchiseur, ils ne sont pas vraiment indépendants.
(3:08) Voix off : Avant de signer leur contrat, les franchisés savent qu’ils devront reverser des royalties et des redevances de communication en contrepartie du droit d’utiliser la marque du franchiseur et de vendre ses produits. Mais ils peuvent ne pas tout savoir. Ils peuvent par exemple ignorer que les fournisseurs qui approvisionnent les franchisés reversent au franchiseur des commissions sur les produits qu’ils vendent au réseau et que l’on appelle remises de fin d’année (RFA).
(3 :29) Darren Rovell : La perception de remises de fin d’année (RFA) par les franchiseurs est une pratique courante ?
(3 :32) Eric Corp : Vous appeler ça des RFA, j’appelle ça des commissions occultes. C’est un droit que la quasi-totalité des franchiseurs s’arrogent dans les contrats de franchise.
(3 :47) Darren Rovell : Et pourquoi font-ils ça ?
(3 :48) Eric Corp : Les franchiseurs ont une audience captive. Leur contrat leur permet de préciser les biens et les services que les franchisés doivent acheter pour les revendre à leurs clients et c’est pour les têtes de réseau une manière de gagner plus d’argent. Il est de plus en plus rare qu’un franchiseur passe à côté de cette manne financière.
(4 :07) Voix off : Le document d’information pré-contractuelle de Cold Stone, ou FDD, précise que le franchiseur peut percevoir des RFA « de la part de certains fournisseurs sur les ventes que ces derniers réalisent auprès des franchisés du réseau ». Pour Cecil Rolle, un ancien franchisé, les RFA ont un impact important sur le prix de la crème glacée, le produit phare de la marque.
(4 :28) Cecil Rolle : En fait Cold Stone perçoit :
- du fabricant de crème glacée, un pourcentage du chiffre d’affaires que celui-ci réalise en vendant la crème glacée au distributeur,
- de ce distributeur, un pourcentage des ventes que ce dernier réalise auprès des franchisés,
- de ses franchisés, 9% de leurs recettes.
(4 :54) Voix off : Le fait est que les RFA ne sont pas illégales. Cecil Rolle possédait 3 points de vente. Il s’oppose publiquement à Cold Stone depuis que son franchiseur a résilié son contrat pour non-paiement des redevances. Cold Stone a assigné son ancien franchisé, qui a son tour, a assigné le franchiseur pour l’avoir trompé sur la rentabilité du concept. Mais c’est Cold Stone qui l’a emporté en première instance et en appel. La justice a non seulement confirmé le versement de 800 000 dollars en faveur de Cold Stone, mais a également souligné que les risques de créer une entreprise en franchise sont clairement détaillés dans le contrat de franchise et que les gains ne sont pas garantis. Le franchiseur ne cesse de faire remarquer que le point de vente en propre que Rolle a racheté pour l’exploiter en franchise a aussi fait faillite. A ce jour, Cecil Rolle poursuit son action contre Cold Stone.
(5 :36) Cecil Rolle : Une fois, notre boutique a réalisé le 2ème meilleur chiffre d’affaires du réseau. Seule la boutique de Time Square a fait mieux que nous. Pourtant, même à cette période, nous n’avons pas été rentables.
(5 :46) Voix off : Aujourd’hui, Cecil Rolle continue d’échanger avec plusieurs franchisés et anciens franchisés qui partagent les mêmes déceptions que lui. Ed Ramsey, un ancien franchisé Mac Donald’s, possédait 2 magasins Cold Stone. Il a rejoint le réseau sur la base d’un coût des matières représentant 23% du chiffre d’affaires et d’un coût de l’emballage de 2%. Dan Beem soutient que ce sont effectivement les ratios que les franchisés doivent atteindre.
(6 :07) Dan Beem : J’ai contacté plusieurs franchisés qui m’ont tous confirmé que leur coût total matière et emballage représentait entre 23 et 25% de leur chiffre d’affaires .
(6 :17) Ed Ramsey : En 4 ans, je n’ai jamais atteint les 23%.
(6 :20) Darren Rovell : Et quelle a été votre meilleure performance ?
(6 :22) Ed Ramsey : Au mieux, j’ai atteint 29-30%, ce qui fait une énorme différence. La raison de ces coûts si élevés réside dans les RFA que les fournisseurs reversent à la tête de réseau.
(6 :35) Voix off : Robert Zarco est l’avocat de l’association indépendante des franchisés Cold Stone récemment constituée. Il est rémunéré par le franchiseur pour représenter l’association dans le litige qui l’oppose à CNBC sur ce reportage. Pour Robert Zarco, les RFA sont légitimes tant qu’elles sont raisonnables et c’est aux franchisés de faire le nécessaire pour maîtriser leurs coûts.
(6 :55) Robert Zarco : Si votre coût matière est de 29%, il se situe effectivement dans le haut de la fourchette pour le secteur. Dans ce cas bougez-vous et trouvez des solutions. Interrogez le franchiseur pour voir s’il est en cause, ce qui ne peut, en l’occurrence, pas être le cas puisque d’autres franchisés parviennent à tourner à 24-25%. Voyez du côté de vos approvisionnements, de votre main-d’œuvre ou d’un phénomène très répandu qui affecte le coût matière : le coulage. En effet, dans le secteur, au cours des 3 dernières années, le volume de marchandises dérobées par les employés a été conséquent et a impacté de manière importante ce poste de coût.
(7 :30) Darren Rovell : Informez-vous vos franchisés sur ce que vous rapportent les RFA générées par la crème glacée et les autres marchandises qu’ils achètent auprès des fournisseurs que vous leur imposez ?
(7 :41) Dan Beem : Non, car cette information est sensible et constitue un avantage compétitif.
(7 :43) Darren Rovell : Même compte tenu des investissements conséquents qu’ils doivent réaliser ?
(7 :46) Dan Beem : Nous communiquons énormément d’informations, je pense qu’elle doit en faire partie.
(7 :51) Voix off : Mais après cette interview, Cold Stone nous a écrit que « le document d’information pré-contractuelle ne contenait aucune prévision relative au coût matière, ni aucune prévision financière détaillée » et que ce document ne garantissait en aucune façon le succès au futur franchisé.
(8 :06) Dan Beem : C’est la dure réalité du secteur de la restauration. De l’extérieur ça à l’air sympa, mais c’est difficile de faire tourner une boutique tous les jours. Certains y parviennent et gagnent beaucoup d’argent. D’autres n’y arrivent jamais.
(8 :17) Voix off : Rudy Puig fait partie du conseil consultatif national de Cold Stone et il est l’un des membres fondateurs de l’association indépendante de franchisés.
(8 :25) Rudy Puig : Un des objectifs de l’association est de nous unir pour baisser le coût matière, de 0,5%, de 1%, de 1,5%, d’autant que nous pouvons.
(8 :33) Voix off : Puig est l’un des rares franchisés auxquels Cold Stone nous a autorisé à faire témoigner. Il possède une boutique et est associé dans 2 autres, situées sur Miami.
(8 :42) Rudy Puig : Tous mes restaurants sont rentables et j’en suis très satisfait.
(8 :46) Voix off : D’un côté, Dan Beem soutient que les coûts matière des restaurants Cold Stone sont parmi les plus bas et que leur chiffre d’affaires sont parmi les plus élevés du secteur. Et de l’autre, certains franchisés clament qu’on a beau faire un gros chiffre d’affaires, si les coûts sont trop élevés, on ne peut pas être rentable.
(9 :01) Dan Beem : Si notre business model était bancal, nous n’aurions pas autant de restaurants et nous ne nous développerions pas comme nous nous développons.
(9 :09) Voix off : Si Cold Stone perd des parts de marché aux USA, passant de 1163 restaurants à fin 2009 à 1102 unités à fin 2010, il ne cesse de grossir à l’étranger. Le franchiseur souligne que 40% des magasins franchisés vendus, le sont à des franchisés, ce qui prouve que ces franchisés croient en la marque et veulent se développer avec elle.
(9 :33) Dan Beem : En fait, dans tous les réseaux de franchise vous avez des échecs. Les temps sont durs et tous les réseaux sont dans le même bateau. En Octobre, nous avons réalisé les meilleures ventes depuis 4 ans.
(9 :45) Voix off : Mais cette analyse n’aidera pas les dizaines d’anciens franchisés qui nous ont raconté leur expérience.
(9 :51) Ed Ramsey : Je n’ai jamais eu à travailler autant de ma vie pour survivre.
(9 :56) Sean Marks : Ma santé et mon mariage en ont pâti et j’ai perdu beaucoup d’argent. Mais, je ne suis pas le plus à plaindre. Je connais beaucoup d’autres franchisés qui ont tout perdu, jusqu’à leur maison, leur plan d’épargne retraite et les économies pour financer les études de leurs enfants.
(10 :08) Nicole Eklund : Nous avons dû déposer le bilan … [elle pleure]. Aujourd’hui encore, je continue d’être hantée par les voix de tous ces franchisés qui ont vécu la même expérience. On pense pouvoir oublier, passer à autre chose, mais c’est toujours là.
(10 :27) Darren Rovell : Le degré de désespoir de certains anciens franchisés et même de franchisés est manifestement important. Quel regard portez-vous sur cette réalité ?
(10 :35) Dan Beem : La situation économique est difficile, c’est la pire que nous ayons connue depuis 50 ans. Nous allons malheureusement perdre d’autres points de vente et nous en sommes très peinés.
(10 :43) Rudy Puig : Je sais que certains franchisés vivent des situations difficiles. Mais vous savez, toute personne qui dit du mal de notre marque, nuit à notre business. Les franchisés Cold Stone aiment leur enseigne, apprécient de travailler dans ce secteur et adorent leurs clients. Notre métier consiste à rendre les gens heureux.