Publié le 31 décembre 2019 – Mis à jour le 31 janvier 2020.
30 ans après le vote de la loi censée protéger les franchisés, la loi Doubin, les autorités continuent de promouvoir la franchise sur la base d’arguments douteux et les franchiseurs de recruter leurs partenaires en leur dissimulant plusieurs informations clés pour signer leur contrat en connaissance de cause, parmi lesquelles, le taux de réussite de leurs franchisés (1).
La presse(2) et les spécialistes de la franchise ne cessent de l’affirmer, créer son entreprise en investissant dans une franchise permet aux entrepreneurs de réduire les risques. De fait, tous les franchiseurs revendiquent au moins tacitement, quand ça n’est pas explicitement, ce bénéfice.
« Selon l’AFE, après cinq ans d’activité, seulement la moitié des entreprises est encore en vie. Pour Chantal Zimmer, déléguée générale de la Fédération Française de la Franchise, ce taux grimpe à 80% dans le cas des entreprises franchisées. Un taux de réussite plus important, voilà donc le premier attrait de la franchise. »(3)
« Ouvrir une franchise offre plusieurs avantages majeurs (…) : Réduire le risque d’échec ou de fermeture au cours des premières années d’existence de l’entreprise. En moyenne, on constate que le pourcentage de réussite varie entre 70 % et 90 % dans les réseaux de franchise, contre moins de 50 % pour les entreprises « classiques »(source : Toute la Franchise) »(4)
« Mais cet investissement de départ leur fera gagner du temps et de l’argent par rapport à ce qu’ils auraient dû investir s’ils s’étaient lancés tous seuls. Cela leur permettra d’éviter des erreurs fatales : le taux de pérennité des entreprises franchisées est bien supérieur à celui d’une création classique. » (5)
« Il y a certainement des magasins qui connaissent des difficultés, admet le PDG Philippe de Selliers, mais le taux de défaillance est de 15 % dans le secteur de la franchise. Heureusement, chez Leonidas, nous sommes bien en deçà. »
Cette dernière déclaration extraite de l’article « Malaise chez le chocolatier Leonidas » montre plusieurs choses :
– d’abord que le niveau élevé du taux de réussite en franchise a acquis le statut de vérité incontestable alors qu’il est manifestement infondé comme on va le voir par la suite,
– ensuite que LEONIDAS revendique de manière parfaitement explicite que le taux de réussite de ses franchisés est comparable au taux de réussite en franchise, c’est à dire très supérieur à 85%.
Le taux de réussite des franchisés d’un réseau est une information indispensable pour signer un contrat de franchise en connaissance de cause
Voici 4 raisons pour lesquelles ce taux doit faire partie des informations précontracuelles obligatoires.
Raison 1 : Le taux de réussite des franchisés d’un réseau fait partie des rares indicateurs permettant d’apprécier :
– le niveau de risque de l’investissement dans un concept, cf Le degré de risque d’un investissement dans un concept de franchise est proportionnel au taux de réussite des franchisés qui ont investi dans ce concept
– la rentabilité de ce concept, cf Qu’est-ce qu’un concept de franchise rentable ?
Raison 2 : En adoptant un mode de création d’entreprise réputée moins risquée et enregistrant un taux de réussite de 80% tout en ne communiquant pas sur le taux de réussite de LEURS franchisés, les franchiseurs revendiquent tacitement les mêmes performances et incitent leurs futurs partenaires à penser qu’ils sont dignes de cette réputation … Ce comportement est d’autant plus insidieux que les arguments à la base de cette réputation sont contestables, cf Les arguments du moindre risque et du taux de réussite en franchise sont des arguments trompeurs
Raison 3 : En multipliant les arguments marketing vantant leur concept et leurs projets de développement, tout en taisant le taux de réussite de LEURS franchisés, les franchiseurs incitent très souvent leurs futurs partenaires à surévaluer la « réussite » des franchisés de leur réseau.
Raison 4 : « Accepteriez-vous de communiquer le taux de réussite de vos franchisés à vos futurs partenaires ? ». Lors d’une consultation, nous avons posé cette question à 20 franchiseurs. Résultats, les 4/5 de ceux qui ont accepté de répondre ont répondu par la négative en expliquant que s’ils donnaient cette information, ils auraient beaucoup plus de mal à recruter de nouveaux franchisés !!!
Pour illustrer l’impact de la dissimulation du taux de réussite des franchisés d’un réseau sur le jugement des candidats à la franchise, nous vous invitons à découvrir la face cachée de 3 réseaux :
– la face cachée du réseau DIETPLUS
– la face cachée du réseau DOM&VIE
– la face cachée du réseau RIVALIS
Pour faire respecter la loi Doubin, il est nécessaire d’amender son décret d’application
Afin de permettre aux futurs franchisés de signer leur contrat en connaissance de cause, les franchiseurs doivent impérativement leur communiquer les informations pour calculer eux-même le taux de réussite des franchisés exploitant le concept dans lequel ils envisagent d’investir. Pour ce faire, il faut que la partie « présentation du réseau » du décret d’application de la loi Doubin s’enrichisse de la liste exhaustive des personnes ayant rejoint le réseau au cours des 5 dernières années révolues, avec pour chacune d’elles :
– l’adresse de l’entreprise exploitant la marque objet du contrat,
– la date de signature du contrat,
– le cas échéant la date de fin du contrat,
Pour plus de détails sur l’évolution que nous proposons, nous vous invitons à consulter notre proposition de révision de la loi Doubin
En attendant que la réglementation évolue …
Face à un franchiseur qui refuse de communiquer les informations vous permettant d’évaluer le taux de réussite de SES franchisés, nous vous invitons à vous poser la question suivante :
« Ai-je envie de travailler avec un partenaire qui, pour m’inciter à signer son contrat de franchise, veut m’inciter à croire que le taux de réussite de SES franchisés est de 80% et qui refuse de m’informer sur le niveau de risque de l’investissement dans son concept ? »
Si votre réponse à cette question est positive, nous vous recommandons vivement de ne signer votre contrat qu’à condition que le franchiseur accepte de diviser par 2, voire par 3, le montant de l’ensemble de ses exigences financières (droit d’entrée, redevances, frais de formation, etc).
Cet avantage vous permettra de d’augmenter de manière certaine vos chances de succès.
Pour aller plus loin
1/ Le temps de la transparence est venu : article publié dans le magazine Franchise Update en 2014 qui revient sur les questions que les franchiseurs ont l’habitude d’éluder et auxquelles la réglementation doit leur imposer de répondre
2/ La loi Doubin n’a pas atteint tous ses objectifs initiaux : article reprenant les positions de Maître Gouache à l’occasion des 20 ans de la loi Doubin,
3/ Outre le taux de réussite des franchisés, deux autres informations essentielles doivent faire partie des informations précontractuelles obligatoires :
– l’évolution du chiffre d’affaires moyen des franchisés ayant débuté leur exploitation la même année. Sur le sujet, vous pouvez consulter l’étude publiée le 16/11/2017 sur l’évolution du CA des franchisés LA PATATERIE
– le nombre et, le cas échéant, la nature, des condamnations judiciaires du franchiseur (notamment pour interdiction de gérer, faillite, présentation trompeuse du réseau et publicité mensongère).
(1) Un taux de réussite des franchisés inférieur à 50% (=taux de réussite des entrepreneurs isolés), est considéré comme « faible »
(2) « Conçue pour limiter les risques, la franchise attire chaque année de nouveaux entrepreneurs … » (maddyness.com)
« Dans l’optique de réduire les risques liés à l’aventure entrepreneuriale, bon nombre de créateurs d’entreprise font le choix de la franchise. » (leblogdurigeant.com)
« Acheter une franchise consiste à reprendre une enseigne franchisée déjà existante. C’est une alternative intéressante pour le créateur d’entreprise qui souhaite réduire les risques liés à son projet d’entrepreneuriat … » (captaincontrat.com)
« La franchise est un un projet qui réduit les risques sans pouvoir les supprimer en totalité. Cette vérité ne doit pas pour autant décourager d’éventuels candidats car les statistiques le prouvent, la franchise marche bien et réduit fortement les risques ! » (ac-franchise.com)
(3) extrait du GUIDE DE LA FRANCHISE remis chaque année aux visiteurs du SALON DE LA FRANCHISE
(4) Extrait du GUIDE DE LA FRANCHISE publié en décembre 2019 par la franchise MAIL BOXES
(5) Déclaration de Véronique Discours-Buhot, déléguée générale de la Fédération française de la franchise depuis le 1er janvier 2020, tirée d’une interview publiée dans l’Express